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L’image de la culture chinoise dans la presse française de la première moitié du XXe siècle

 

Projet de thèse : 

L’image de la culture chinoise dans la presse française de la première moitié du XXe siècle

 

Direction : 

Laurent Martin

 

Résumé :

Dans la première moitié du XXe siècle, de nombreux articles de presse publiés en France concernent la culture chinoise. A cette époque-là, ces deux civilisations entretiennent des contacts plus étroits que jamais. D’abord, la Grande Guerre de 1914-1918 provoque la migration en France d’environ 150 000 travailleurs chinois en raison du manque de main-œuvre[1]. Puis, à partir de 1919, le gouvernement chinois dirige le programme Études et Travail, envoyant plus de deux mille étudiants chinois en France afin d’apprendre les connaissances théoriques et les techniques avancées[2]. Ces deux mouvements forment les vagues principales de l’immigration chinoise de cette époque. Certains Chinois s’installent définitivement en France et constituent une partie de la société française. La Chine, qui était jadis un pays lointain et un rêve fantastique, devient ainsi un objet d’observation concret et tangible dans la vie des Français. Ceux-ci observent directement tous les aspects des Chinois. La confrontation entre les deux civilisations suscite des réflexions chez les Français, et la presse écrite en est un témoignage. En plus des actualités politiques, les thèmes culturels sur la Chine y font souvent leur apparition. 

La « culture », selon la définition du dictionnaire de l’Académie française, désigne l’« ensemble des acquis littéraires, artistiques, artisanaux, techniques, scientifiques, des mœurs, des lois, des institutions, des coutumes, des traditions, des modes de pensée et de vie, des comportements et usages de toute nature, des rites, des mythes et des croyances »[3]. Parmi les journalistes qui s’intéressent à la culture chinoise, on trouve différentes nationalités. La plupart sont des Français, mais il y a aussi des écrivains chinois et des écrivains d’autres pays. Ces auteurs de la presse écrite française traitent d’un certain aspect de la culture chinoise, la présentant, la critiquant, la défendant. Ils transmettent un but plus ou moins subjectif par leur écriture. 

N’oublions pas que le système de presse est essentiellement un mécanisme d’échange émetteur-récepteur. Ce que les journalistes publient influencera leur lectorat. D’un côté, les idées exprimées par les écrivains forment un réseau d’interprétation de la culture chinoise dans la France de leur époque, et d’un autre côté elles fournissent des éléments pour l’impression collective du public local vis-à-vis de la Chine. Cette impression publique, auparavant formée par les chinoiseries et les reportages des missionnaires français au XIXe siècle, se voit évoluer encore pendant la première moitié du XXe siècle. Cette période historique est cruciale tant pour les peuples des deux pays que pour la relation sino-française. On se demande ainsi quels sont les enjeux soulignés par les journalistes en France qui déterminent l’opinion du peuple français envers la culture chinoise. Autrement dit, dans quelle mesure la presse écrite française aide-t-elle à forger et à modifier l’image de la culture chinoise de cette époque-là ?

En raison de l’abondance des périodiques français, on se permet d’en sélectionner un certain nombre pour notre étude. Ces publications choisies doivent être représentatives, porter un intérêt à la culture chinoise et avoir un impact sur le peuple. Par ailleurs, on doit également repérer la situation des lectorats de ces périodiques, en particulier leur statut social, afin de connaître la limite de la voix médiatique sur la diffusion de l’image de la culture chinoise. Les Lettres Françaisesen est un exemple. Fondée en 1942, cette revue littéraire et artistique devient une publication importante durant le temps de l’occupation allemande, bien qu’elle doive circuler clandestinement à cause de sa position communiste et antifasciste. Diffusée dans un milieu d’intellectuels, elle possède très probablement aussi, selon le constat de l’historien Guillaume Roubaud-Quashie, un « lectorat populaire qui prenait part aux questions culturelles. »[4] Cette revue valorise la voix des écrivains étrangers, y compris ceux d’Extrême-Orient. Elle donne par exemple la parole à Sanyu, artiste chinois alors en France, pour qu’il raconte des vieilles légendes authentiques sur la Chine au lecteur français. Une voix particulière, car à ce moment-là on voit rarement apparaître dans la presse française l’intervention directe d’un Chinois. Cette pratique interculturelle de Sanyu permet en fait aux habitants locaux de connaître la culture chinoise à travers un regard chinois. Avec l’interprétation d’autres auteurs, les contes culturels offerts par Sanyu vont restructurer la vision du public français sur la culture chinoise.

La méthodologie de notre étude consiste majoritairement dans l’analyse qualitative des articles de presse et des illustrations concernés de l’époque. Cela exige d’abord un travail de sélection des articles et des illustrations qui abordent la question de la culture chinoise dans les périodiques ciblés. Après l’analyse des documents, il faut les mettre en perspective et trouver leur corrélation possible, afin de constituer un panorama d’interprétation de l’image de la culture chinoise. C’est-à-dire un panorama qui est constitué par la presse écrite française de cette époque et qui ne serait pas nécessairement conforme à la réalité. On verra comment cet écart entre l’impression des Français et la réalité chinoise complexifie la question de l’image de la culture chinoise, d’autant plus que cet écart est déjà remarqué par les écrivains contemporains de Sanyu et relevé dans leurs publications. « Cette Chine arriérée est l’image arriérée que l’Europe se fait de la Chine, »[5] pointe le journaliste et historien du cinéma François Chalais lorsqu’il commente l’image de la Chine représentée dans Les Fils du Dragon, film américain projeté en France en 1944.

Notre recherche se divisera en quatre parties. La première partie est consacrée à la représentation impartiale de la culture chinoise. Il s’agit de repérer les périodiques et les journalistes épris de la culture chinoise, de choisir les figures typiques du temps ancien et contemporain qui incarnent la culture chinoise aux yeux des Français. Ce premier chapitre sert ainsi à établir un panorama rudimentaire de l’image de la culture chinoise représentée dans la presse française. Ensuite, la deuxième partie se rapporte à la construction d’une image de la culture chinoise par les journalistes locaux. On verra comment les éléments culturels chinois sont utilisés comme une source de création littéraire, et comment cette utilisation soulève la question de l’imagination. Puis, dans la troisième partie, on abordera l’image de la culture chinoise dans les archives de caricatures. Indépendamment des articles écrits, la catégorie de l’illustration traite de la culture chinoise d’une manière ironique et en présente donc une image péjorative en général. Ce résultat est non seulement relatif à l’essence de la culture chinoise même, mais aussi à l’histoire de la caricature française et au rapport historique du moment entre la France et la Chine. Enfin, on verra dans la quatrième partie les possibilités de combinaison entre la culture chinoise et la culture française. Ces combinaisons pourraient être un objet concret ou un phénomène. Certaines d’entre elles, comme le sport ping-tennis, connaîtront une réussite sociale et favoriseront la diffusion de la culture chinoise.

En ce qui concerne les références bibliographiques, Images de la Chine – À travers la presse francophone européenne de l’entre-deux-guerres de Kim Yong-Ya nous servira de modèle de recherche sur cette orientation. L’auteur y a confirmé que « les journaux francophones européens ne se préoccupent que rarement de la Chine en tant que telle, mais bien plus souvent des répercussions des soubresauts chinois sur les intérêts extrême-orientaux de l’Europe.[6] » Ensuite, on consultera des ouvrages généraux, comme La presse écrite en France au XXe siècle de Laurent Martin, qui peut nous fournir une synthèse sur la presse écrite française de l’époque ; ou l’Histoire culturelle de la France au XXe siècle de Jacques Cantier, nous faisant connaître la situation des pratiques et des événements sur le plan culturel en France. Il nous faudra aussi utiliser des ouvrages théoriques et méthodologiques, tels que Douze leçons sur l’histoire d’Antoine Prost, et The Theory and Method of Transcultural Studies édité par Yue Daiyun et Chen Yueguang.



[1] Yuhao Xian, Histoire du Mouvement de programme Travail-Études en France, Pékin, People’s Publishing House, 2017, p.190.

[2] Nora Wang, 移民与政治:中国留法勤工俭学生(1919-1925)》, traduit du français Émigration et politique. Les étudiants ouvriers chinois en France 1919-1925 par Yan An, Min Liu et Junnan Ji, Pékin, Peking University Press, 2016, p.92. 

[3] Dictionnaire de l’Académie française, 9e édition, [en ligne], consulté le 15 octobre 2022. Disponible sur : <https:

//www.dictionnaire-academie.fr/articl...;;

[4] Marie-Laure Thomas, « Guillaume Roubau-Quashie, ‘Les Lettres Françaises méritaient d’être redécouvertes’ » sur La Marseillaise, [en ligne], Consulté le 17 septembre 2022. Disponible sur : <https://www.lamarseillaise.fr/cu

lture/guillaume-roubaud-quashie-les-lettres-francaises-meritaient-d-etre-redecouvertes-HGLM078953>

[5] Dossier « Recueil. ‘Les Fils du Dragon’ film de Jack Conway et Harold Bucquet » sur Gallica, [en ligne], consulté le 18 septembre 2022. Disponible sur : < https://gallica.bnf.fr/ark&nbsp;:/12148/btv1b10516212g.r=Les%20Fils%20du%

20Dragon ?rk=21459 ;2>

[6] Consulté le 20 septembre 2022. Disponible sur : <https://www.furet.com/livres/images...;;

 

 

 

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