La Chine découvre assez tard l’Allemagne et cette découverte passe parfois par le Japon. Mais de l’esthéticien Wang Guowei aux romanciers, Mao Dun ou Lu Xun et au poète Guo Moruo Kant, Schopenhauer puis Nietzsche sont progressivement devenus des références pour les auteurs chinois du début du XXe siècle. L’histoire de la réception de Nietzsche en Chine est même un miroir des grands virages idéologiques du siècle. Le romantisme et l’expressionnisme ont pu susciter de leur côté un engouement certain auprès d’intellectuels qui accompagnaient le renouveau de la littérature chinoise.
Mais étudier l’intérêt chinois pour la vie culturelle allemande, oblige aussi à se concentrer sur le destin de figures singulières comme Levin Schücking, pionnier d’une sociologie littéraire, Siegfried Kracauer, théoricien du film, ou le philosophe Leo Strauss qui ont pour des raisons diverses retenu l’attention des sciences humaines chinoises. L’attention des critiques chinois s’est aussi portée sur le rôle joué par l’Allemagne dans l’histoire intellectuelle française et donc sur des binômes comme Kant et Bachelard, Husserl et Lacan, Freud et Foucault.
L’historiographie allemande de la littérature chinoise, de son côté, tend parfois à ignorer la critique littéraire chinoise pour mesurer les oeuvres à l’aune d’une vision purement occidentale de la littérature qui peut la conduire à minimiser la fonction spécifique de la vie littéraire en Chine (Kubin). Si les articles ici rassemblés ne prétendent pas épuiser la question d’un regard chinois sur la culture allemande, ils souhaitent à tout le moins montrer que l’étude de ce regard devrait modifier et élargir l’éventail des perceptions possibles de la vie intellectuelle allemande.